Retourner des hambourgeois

Notre ministre du travail et des anciens travailleurs est très gentil, il pense sérieusement à faire un geste pour les retraités. J’en suis bien aise, ayant constaté (et d’autres avec moi , par exemple le Figarôt du matin) que ma pension augmentait joyeusement de 1,1 % quand l’inflation 2007 se situe définitivement et officiellement à 2,6 %.

J’ignore si c’est sérieux, ou pour me caresser dans le sens du poil que l’on claironne en haut lieu ces bonnes intentions ; personnellement je crains, les élections municipales passées, qu’on ne trouve en haut lieu d’autres sujets de sollicitude que les petits vieux, d’autant plus que « les caisses sont vides », comme dit l’autre.

Il est un pays où les retraités modestes continuent vaillamment à bosser, tondre les pelouses, sortir les klebs, livrer des pizzas, surveiller les maisons, retourner les steaks hachés (les hambourgeois, devrions-nous dire) chez Mac Do, In-n-Out, Jack-In-The-Box… c’est l’Amérique ! c’est Broadway !!! chouette perspective pour un papy, bosser comme retourneur de steaks hachés chez Ma Queue Donald ; après 40 ans de boulot, voilà qui sera délassant et récréatif ; surtout que ces échoppes de mets improbables et d’urgence stomacale sont toujours pleines de petites étudiantes fraîches et délurées pour faire le service et nettoyer les tables… il paraît qu’elles bossent là en appoint pour joindre les deux bouts, elles aussi.

Une image, une seule

On l’annonce et c’est une grande nouvelle, on a retrouvé la valise « mexicaine » des rouleaux de négatifs de Robert Capa. Capa, vous le savez, bien sûr, c’est la photo célébrissime, publiée en 1936 dans « Vu », de ce milicien républicain, le corps à 30 degrés de la verticale, le fusil tendu à bout de bras, en train de s’écrouler, car – on en est certain, vu la position – il est touché à mort par un projectile franquiste. LA photo de Robert Capa. Sa valise de négatifs, qu’il avait confiée à son assistant, était planquée quelque part. Au Mexique d’abord, va savoir pourquoi le Mexique, dans les mains d’un ex-compagnon de Pancho Villa. Bref, lisez l’article, c’est assez rocambolesque. Capa qui disait « Si ta photo n’est pas bonne, c’est que tu n’es pas assez près » : il fallait entendre bourdonner les balles.

Capa et le milicien espagnol touché à mort, Cartier-Bresson et le petit parigot en culottes courtes qui trimballe fièrement un litron de rouge (pas pour lui, mais pour son papa, probablement), Doisneau et le très élaboré instantané du Baiser de l’Hôtel de Ville (précisons : de Paris) : voilà ce qui reste de Capa, Doisneau, Cartier-Bresson. Une image.

Moi, quelle image laisserai-je ? ou plutôt, quelle est l’image à laquelle on m’associera, que l’on m’associera, que l’on retiendra de moi ? UNE image, comme seule trace… ah, si seulement vous retrouviez ma valise mexicaine, bourrée de négatif !

J'ai le bonjour de ma caissière

Vous fréquentez sûrement un hyper-super-moins super-petit supermarché ? pour vos pâtes, vos bouteilles d’huile… et vous avez sûrement fait la queue aux caisses ? jamais ? menteur. Non, sérieusement, mais si, avouez, vous avez queué, et des plombes, et en râlant, parce que ça traîne ça traîne, et d’ailleurs c’est, comme un fait exprès, toujours la caisse que vous avez choisie qui coince : le produit mal étiqueté, la Carte Bleue qui ne passe pas, la mémé qui fait un chèque qui prend 5 bonnes minutes, le client d’avant qui sort une vingtaine de bons de réduction (*) tous plus insignifiants les uns que les autres mais que la caissière doit enregistrer laborieusement un à un, la caissière qui entame une discussion animée et que vous jugez oiseuse avec le client précédent, la la caissière qui, juste quand vous croyez que ça y est enfin c’est à vous, décide de changer le rouleau de papier, compter ses sous, remplir ses bordereaux, ranger ses chèques, téléphoner à son chef, ou carrément fermer sa caisse et se tirer, bref déclenche manifestement une manoeuvre dilatoire et hostile qui vous est destinée.

La caissière qui vous dit ostensiblement « bonjour » quand enfin c’est votre tour… ça fait cinq minutes que vous lui faites des mimiques, qu’éventuellement vous avez échangé des propos, mais voilà, elle décide quand même de vous lancer ce « bonjour » comme si elle découvrait votre présence à l’instant même. On peut d’ailleurs parier un paquet de cahuètes que ça fait partie de ses obligations professionnelles, et qu’elle se ferait remonter les bretelles si elle manquait à ce « bonjour » mécanique et systématique.

La caissière qui fait un boulot de con pour un salaire de merde. La caissière qui a cependant besoin de ce job débile car il faut croûter ; la caissière qui est parfois un caissier, qui a parfois une maîtrise de Lettres pour passer une douchette laser devant des étiquettes à code-barre. La caissière que l’on commence à remplacer par ci-par là par des caisses libre-service, car ce sera bientôt à vous, cher client, de calculer votre facture : ça vient doucement mais sûrement la suppression de la caissière !

La caissière qui lit, les yeux ronds, dans son canard gratuit et et dans le plus grand désarroi et dans le métro, qu’un jeune trader de la SocGen est payé 100.000 euros par an en fixe (6 fois plus qu’elle, la caissière chevronnée) mais peut espérer 300.000 euros de prime annuelle s’il ne déconne pas et s’il a du pot…

La caissière qui fait 10h-12h30 et 17h-20h mardi, 10h-17h mercredi, 14h-17h et 19h-20h30 jeudi, 10h-12h30 vendredi (ah non, 10h30-18h, Paulette, vous remplacez Karine vendredi), et qui doit se faire des post-it pour s’en souvenir,

LA CAISSIERE A FAIT GREVE. Et cette grève là, on peut la comprendre.

(*) Vous l’aurez sûrement noté : JAMAIS un client masculin ne présente de bon de réduction : c’est un truc de nanas, ça, les bons de réduc’. Il n’y a qu’elles pour exhiber des liasses de bouts de papier à 30 centimes par ci, 20 centimes par là.